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Que sont ils devenus ces temples du dimanche
Qui s'animaient d'un coup au sortir de la messe
Et continuaient fort tard, faisant gémir les planches
Sous les coups de butoir qu'on leur donnait sans cesse ? ...

Caisses de résonance, tam-tam de nos campagnes,
Eux seuls troublaient la paix de nos fins de semaine.
Ils peuplaient le Béarn, butaient à nos montagnes
Et jusqu'en Armagnac étendaient leur domaine.

Qu'ils s'appellent : plantiers, quillers, Longin ou Jacoulet,
Partout le même amour pour caresser le sol,
Où le balai de branne traçait son alphabet
Avant que le boulon ne prenne son envol….

Ici l'on conservait la tenue du dimanche.
Pas de laisser-aller. Tout juste accrochait-on
La veste au clou planté tout à même la planche,
Alors que l'on gardait gilet, cravate et pantalon.

Ce dernier en souffrait, tombant sur les chevilles,
Il balayait aussi le sable du terrain,
Recevait au passage la trace de la boule et puis celle des quilles
Alors que sur les fesses on s'essuyait les mains !

Le rite débutait en appitant les quilles
Qu'on prenait à la tête et tournait plusieurs fois.
Puis on s'aidait du pied, pour la tenir tranquille
En approchant le sable en prévision du choix.

La première à frapper occupait le tireur.
L'un d'eux la veut légère l'autre plus meurtrière.
Ils prenaient à plaisir l'air de conspirateur,
Avec pour seul souci d'épater l'adversaire.

Le boulon quant à lui, se creusait jusqu'au cœur
Comme si l'on voulait éprouver sa chaleur.
En y glissant sa main, avant de le lancer
Sur la première quille, et le but assigné.

Ne le croyez pas rond, malgré les apparences.
Les cratères qu'il porte jalonnent ses combats,
Le rendent capricieux jusqu'à l'incohérence,
Lorsqu'il quitte le cadre à l'issue des ébats.

Pour maintenir la boule la main doit s'accrocher.
Ici pas de résine ou autres astringeants.
D'un long jet de salive la sphère est maculée
Avant que des deux mains on recueille l'onguent.

Le boulon d'une main, l'autre tourne la quille
Comme si d'un profil , on cherchait le meilleur.
La main placée devant modère un peu l'élan
Puis s'écarte d'un coup devant le rebatteur.

Dans le noir déclinant, la chanson des quillers
S'écrivait à trois voix, et parfois davantage,
Et le boulier glissait aux doigts du tenancier,
Les jeux après les jeux traduisant l'avantage.

On marquait à la craie sur une vieille planche
Les boissons consommées, remarquable harmonie,
Qu'il s'agisse de pintous ou litres du dimanche
Le vin était tout blanc, mais sans monotonie.

Un à un dans la nuit, les quillers se taisaient.
La compagne à la ferme savait le retour proche.
Elle attisait le feu où la soupe chantait.
Le lundi serait dur et plus lourde la pioche….

De quoi êtes vous morts quillers de ma jeunesse ?
Etiez vous ébranlés par tous les coups reçus ?
Ou bien s'agissait-il de quelqu'un qu'on délaisse
Et qui tout doucement s'éteint comme un exclu !

J'en connais qui repassent tout prés dans un enclos,
Qui furent des vivants passionnés par les quilles.
Ils aimeraient c'est sûr réentendre au plus tôt
Dans le calme du soir, la valse des neuf quilles.

Vous, qui réapprenez la langue des aïeux,
Et du passé lointain recherchez les racines,
Faîtes revivre aussi la tradition des jeux,
Et que chantent les quillers comme à leur origine.


Maurice BARADAT

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